Optimisme et éloge de la technologie éducative
A lire et entendre plusieurs personnalités du monde de la EdTech, la crise va marquer la révolution de l’éducation. Matt Small, PDG de Symplicity (une plateforme destinée à l’employabilité des étudiants), revient sur les leçons tirées en 2020 par le monde de l’éducation supérieure dans une tribune récente publiée par Forbes. Si les adaptations réclamées pendant la pandémie sont indissociables du contexte qui les a générées, il n’en demeure pas moins que la population étudiante a désormais de nouvelles perspectives. Ils s’attendront par exemple à bénéficier du soutien de leurs universités, de flexibilité et de la disponibilité des services et ressources, y compris en distanciel. Le message est très clair : la fin du Covid-19 ne signifie pas la fin du digital au service de l’éducation – bien au contraire.
Se pose ensuite la question du comment ? Chacun a son mot à dire sur les différentes façons dont ce changement va être opéré. Toujours publié par Forbes, le retour d’un panel d’expert met en avant 12 façons dont la technologie peut améliorer l’éducation. De l’amélioration de l’engagement des étudiants et le développement du lien aux intelligences artificielles permettant de déterminer des tendances de comportement, plusieurs outils ont fait leurs preuves dans l’apport de solutions. D’autres usages vertueux sont envisagés comme la création de simulations, l’auto-évaluation, l’apprentissage interactif et la diversification des méthodes afin d’accommoder les différents rythmes des élèves. Cela sous-entend également qu’il faut repenser les supports de travail en élargissant le champ des ressources au-delà des livres scolaires, ce qui contribuera à mitiger les frontières linguistiques et géographiques.
Par ailleurs, les plus enthousiastes peuvent être confortés dans leur optimisme par le rapport du Forum Economique Mondial selon lequel la digitalisation saura clore l’écart et réduire les inégalités dans l’éducation tout en stimulant l’économie. L’éducation en ligne est même valorisée à 350 milliards de dollars d’ici 2025. Or, afin d’atteindre les objectifs mis en place, des points incontournables doivent être considérés. A titre d’exemple, l’investissement dans ces technologies, la disponibilité de plusieurs sources de financement ainsi que la saisie de ces sujets par les acteurs publics afin d’harmoniser les programmes scolaires et les adapter.
Retour sur expérience qui inspire le débat public
Si un avenir meilleur attend le monde de la EdTech, plusieurs étapes restent à franchir avant de l’atteindre. En premier lieu, la connectivité, condition sine qua non à l’usage des outils digitaux et au profit que cet usage peut représenter pour les élèves les plus fragilisés. Afin d’éviter que la crise ne creuse davantage les inégalités entre les élèves, l’inspection générale de l’Éducation nationale (IGESR) dresse à son tour un bilan sur l’usage du numérique lors du confinement. En alignement avec les préconisations de notre livre blanc , les opportunités soulevées par cette épreuve ne sauraient se concrétiser sans les moyens nécessaires. En effet, il s’agit non seulement d’équipement mais aussi de formation et d’un usage de ce matériel qualifié et cohérent avec les objectifs d’enseignement. Accommoder les difficultés et les besoins des élèves a nécessairement impliqué une adaptation et parfois quelques sacrifices en termes de contenu pédagogique.
Ces problématiques, comme nous l’avons vu à plusieurs reprises, ne sont pas uniques à la France ni à l’Europe. Du côté des États-Unis dans un contexte favorable avec la présidence de Joe Biden, le gouvernement fédéral s’impliquera d’une forme nouvelle dans les sujets de technologie dans l’éducation. En effet, à l’image de ce qui se passe chez nous, aux U.S. demeurent des problématiques de stratégies d’enseignement adaptées à la situation. Au même temps, les écoles et districts essayent de préparer les étudiants à un monde davantage digitalisé dans lequel l’intelligence artificielle jouera un rôle important. Selon les experts, la démarche commencera par la généralisation de l’accès à internet.
Nuancer les rêves d’éducation augmentée
Cet enthousiasme partagé par plusieurs et encouragé par l’innovation technologique n’est toutefois pas consensuel dans l’écosystème de l’éducation. Loin de là, les sceptiques ne ravalent pas leurs mots et appellent à la nuance.C’est par exemple le sujet de cette tribune d’un enseignant qui revient sur l’usage du numérique à l’école et y porte un regard critique. Il évoque entre autres les soucis de concentration et de dépendance aux écrans, tout en mentionnant les cas d’autres pays qui n’ont pas vu de réelle plus-value à l’insertion du numérique à l’école. Au rendez-vous également, la disponibilité de ressources en dehors de la mainmise des géants de la technologie communément appelés les GAFAM. La méfiance vis-à-vis de ces derniers est compréhensible au vu des bénéfices qu’ils retirent et qu’ils sont susceptibles de retirer avec une plus grande digitalisation de l’école. Par ailleurs, qui dit digitalisation dit protection des données posant ainsi la question de la souveraineté numérique. C’est ce que l’on peut lire dans cet article du journal britannique The Guardian qui rappelle également les risques que ces technologies profitent de manière inégale aux plus aisés. Néanmoins, il faut rappeler que les écrans ne sont pas une condition à l’apprentissage et l’initiation aux technologies comme l’intelligence artificielle. Les méthodes de Colori le montrent bien en apprenant aux enfants dès l’âge de 3 ans à coder et à comprendre le fonctionnement de l’IA grâce aux outils de Maria Montessori.
Du côté de l’Inde aussi les voix s’élèvent pour tempérer l’élan malgré l’avance du pays en termes de politiques et d’initiatives allant dans le sens de la démocratisation du numérique éducatif et de l’intelligence artificielle au service de l’école. Anita Rampal, une professionnelle de l’éducation et ancienne doyenne de l’université de Delhi, porte un regard dubitatif sur l’enseignement par la technologie ou le numérique. Si elle admet les avantages qu’il peut apporter, elle craint la négligence de ses inconvénients. Notamment la difficulté à distance pour les élèves d’apprendre les uns des autres, un élément crucial de l’école, ainsi que la transformation de l’expérience éducative en un mécanisme statique au lieu d’un processus de découverte. Afin d’éviter une telle situation elle appelle à plus de compassion et d’inclusion des populations marginalisées lors de la prise de décision politique.
Conclusion
Enfin, ce que nous pouvons retirer de ces opinions variées, c’est qu’une éducation qui tire profit des avantages de la technologie et en particulier de l’intelligence artificielle est une finalité qui ne saura porter ses fruits qu’au bout d’un processus de réflexion et de la définition d’une stratégie cohérente et inclusive. En effet, si l’on reprend les avis des plus sceptiques, nous remarquons là une vision qui interroge les conditions dans lesquelles la révolution dont parlent certains devrait prendre place. Notamment la connectivité, les équipements, l’infrastructure qui restent l’objet d’inégalités, mais aussi et de manière plus importante leur usage par les élèves, les professeurs, les écoles etc. Dans quel projet est-ce que l’éducation par le numérique ou l’IA s’insère-t-elle ? Pour servir quels objectifs ou compétences sur le plan pédagogiques ? Comment ces technologies font-elles acte des besoins émotionnels et sociaux des élèves souvent relégués loin derrière l’aspect intellectuel ? Ces questions méritent l’intérêt de ceux qui cogitent sur l’avenir de l’éducation. La Fondation l’IA pour l’école s’en inspire et souhaite contribuer de sorte à inclure au plus possible tous les acteurs en leur permettant dans un premier temps de prendre des décisions informées.