Longtemps dans l’ombre, le secteur de l’EdTech a désormais le vent en poupe. La crise sanitaire a contribué à lui offrir une place centrale dans l’offre éducative en France – place qu’il devrait conserver à l’issue de la pandémie. Il faudra toutefois pour cela que les investissements ne se refroidissent pas malgré la crise, et que l’Education nationale tire le plein potentiel de ces entreprises innovantes. Les secteurs non lucratifs et académiques devront eux aussi jouer leur rôle.
L’EdTech, grande gagnante de la Covid
Signe des temps ? Un long article paru dans Les Echos le 8 janvier revenait justement sur le rôle croissant qu’occupent les entreprises de l’EdTech en France depuis le début de la crise sanitaire en mars dernier. Le confinement a en effet propulsé ces start-ups en première ligne. Marie-Christine Levet, fondatrice d’EduCapital, déclare à ce titre que « le premier confinement a été un catalyseur partout dans le monde ». La perception de l’utilisation des nouvelles technologies dans le milieu éducatif, traditionnellement plutôt négative en France, évolue – et bien plus rapidement que prévu.
« Cette crise a sans doute permis de gagner cinq à dix ans dans l’évolution des besoins et des mentalités », y conclut cette pionnière de l’EdTech française.
Le développement de Laval Virtual est particulièrement symptomatique de ce nouvel essor de l’EdTech. Cette organisation, leadeur européen des événements virtuels, met en place chaque année un salon dédié à la réalité virtuelle. Mais, depuis le confinement, elle entreprend surtout d’adapter les campus à l’enseignement distanciel : cours asynchrones pour la personnalisation de l’apprentissage, vidéos, différents jeux et chats qui facilitent l’interaction, sont autant de moyens mis en œuvre pour pallier l’impact de l’épidémie sur le système éducatif.
Mais ce sont surtout les Etats généraux du numérique pour l’éducation, tenus en novembre dernier et auxquels la Fondation l’IA pour l’Ecole a contribué, qui ont reflété cet intérêt croissant pour les solutions technologiques. Jean-Marc Merriaux, Directeur du Numérique pour l’Education, considère que cet événement a « acté un changement de paradigme. A la demande des EdTech, les enseignants vont bénéficier d’un compte ressources, ce qui leur permettra de choisir eux-mêmes leurs outils digitaux ».
L’EdTech à la croisée des chemins
Quelques nuages pourraient toutefois venir ternir ce tableau. Certains se demandent si les investissements vont suivre l’emballement suscité en 2020. Si la crise économique inquiète, les doutes dépassent ce seul aspect. Les investisseurs vont-ils se refroidir, avec la reprise potentielle des cours en présentiel dans le courant de l’année ? Et est-ce qu’un modèle hybride, plutôt que purement distanciel, justifierait la rentabilité de l’industrie ?
Le panorama de l’EdTech française présente quant à lui des limites propres. Comme nous le mentionnions dans un précédent article, l’INRIA (Institut National de Recherche en Sciences et Technologies du Numérique) a récemment publié un rapport sur l’éducation et le numérique. Or un paradoxe y est soulevé : si les bénéfices de l’EdTech sont longuement mis en avant, leur utilisation par l’Education nationale demeure encore très faible.
En septembre 2019, on comptabilisait déjà 378 start-ups dont 193 qui avaient déjà réalisé un premier tour de table. Mais leur appropriation par l’Education nationale demeure encore limitée. Le rapport de l’INRIA constate : « même si la demande est explicite, l’achat public demeure très compliqué ». Bien des applications développées par des entreprises de l’EdTech française finissent par être vendues à des pays tiers, plus en avance sur ces questions.
Les solutions proposées par l’EdTech sont pourtant pertinentes pour les premiers concernés : les élèves. Un récent article de Maddyness mettait l’accent sur 9 outils développés par des start-ups visant à assister les jeunes dans leur orientation. Un jeune sur deux estime ne pas avoir été bien accompagné par son école dans le choix de son futur, selon une étude du CNESCO (Centre National d’Etude des Systèmes Scolaires). Des plateformes telles que ‘Hello Charly’, ‘My Future’, ou encore ‘Impala’ pourraient y remédier.
La nécessité de coconstruire aux côtés de l’EdTech
L’innovation dans l’éducation est centrale. Mais elle ne pourra être pour autant du ressort unique du secteur lucratif de l’EdTech. Un article paru dans Forbes le 11 janvier soulignait justement la responsabilité toute particulière du secteur des organisations à but non lucratif sur ces questions. Plusieurs éléments, tels que la démocratisation de l’accès à l’école pour tous, pourraient ne pas être adressés de la meilleure des manières par une entreprise cherchant avant tout le profit. Il faut veiller à un juste développement de ces solutions technologiques, et ne laisser personne sur le banc de touche. S’assurer, au contraire, que tous soient bien sur les bancs de l’école : la Fondation l’IA pour l’Ecole s’inscrit dans cette mission.
Cette mission ne pourra non plus se faire sans le rôle du monde académique. De plus en plus de questionnements sont portés quant à la compatibilité entre la formation des grandes écoles et les besoins des entreprises sur des sujets technologiques. Or, l’IA occupe une place de choix dans ces nouveaux sujets très convoités. C’est pourquoi de nombreuses écoles font le choix de faire évoluer leurs formations : en ce début d’année, on apprenait par exemple que Devoteam et Télécom Sud Paris ont créé une Chaire sur trois ans nommée « Interprétable AI for Mission-Critical Applications ». Cette collaboration entre un groupe de services informatiques et un établissement d’enseignement supérieur va dans le bon sens ; en ce début d’année 2021, l’IA poursuit plus que jamais sa lancée dans le monde de l’éducation.